Chapitre I: Quand on a tout l’amour
Rien ne me prédisposait à quitter les frontières de cette belle région naturelle qu’est le Marais poitevin, ni à vivre tout ce que j’ai vécu. Et pourtant, j’ai parcouru des milliers de kilomètres et j’ai vécu plusieurs vies en quatre-vingt-six ans.
C’est en plein milieu des Jeux olympiques de Berlin que j’ai pointé le bout de mon nez. Mon marathon de la vie a débuté un samedi, le 8 août 1936. […] Mon existence a surpris mes parents à deux reprises : le jour où ma mère a compris qu’elle était enceinte et le jour où je suis née, en raison de mon poids !
[…] Mes parents travaillaient énormément en plus de leurs emplois respectifs. Ils élevaient un cochon, deux chèvres, des lapins, des poules, des oies et un coq. Ma mère faisait des fromages de chèvre qu’elle vendait avec les œufs. […] Mon père cultivait des pommes de terre et des mogettes, le haricot blanc sec dont la culture était très répandue dans le Marais poitevin. […]
En plus de tous ces travaux, ma mère, qui était une très bonne cuisinière, aidait à la préparation des repas de famille, de communion ou de mariage. Le samedi, des gens venaient la chercher avec leur char à bancs. Elle emportait parfois ses gamelles avec elle. Il lui arrivait de partir pour plusieurs jours. Et là tu voyais la tête de mon père, il avait horreur qu’elle parte ! […]
Le courage de mes parents a compensé les maigres salaires qu’ils percevaient, nous permettant ainsi d’avoir suffisamment pour vivre. Ils faisaient preuve de générosité, n’hésitant pas à partager, notamment avec Anna, la sœur de maman. Elle vivait à Paris, une ville où il n’était pas toujours facile de se nourrir pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi, ma tante et ses quatre enfants venaient quelquefois chez nous. […]
Nous ne partions pas en vacances et nous ne quittions pratiquement jamais La Rivière. Quelquefois, nous allions passer deux ou trois jours à côté de Niort, chez mon oncle Pierre, afin de l’aider dans les champs au moment de la moisson. Cela nous donnait un peu l’impression d’être partis en vacances. […]
On peut dire qu’à cette époque, faute de vacances et de moyens, je ne pouvais pas me vanter d’avoir vu du pays. Cependant, je ne manquais de rien et je ne me sentais pas malheureuse au sein de ma famille. Je le dois beaucoup à mes parents qui n’ont jamais ménagé leurs efforts, ni manqué de courage. En outre, j’ai eu la chance de vivre entourée de parents qui s’aimaient et qui nous transmettaient tout leur amour à mon frère et à moi-même. Nous étions riches de la tendresse que nous ressentions les uns pour les autres ! Nous étions tout simplement heureux.
Quand on a tout l’amour… Ecrit en 2023